LA BOITE D'ÉTAIN par joye

Maman gardait la boîte d’étain sur la dernière étagère de son armoire. Même en grimpant sur une chaise, je n’arrivais pas à la toucher avec mes petits doigts roses et curieux. La boîte restait hors atteinte, hors de la portée, étanche, impénétrable, implacable, mystérieuse.

Après chaque assaut futile, je me consolais de mon échec en imaginant son contenu. Quand j’avais faim, je me disais que la boîte contenait des bonbons. Quand j’avais commis une trop grande transgression enfantine, je me disais que la boîte contenait une punition ou une fée méchante qui saurait me faire une bonne correction.

Vers l'âge de dix ans, je découvris les histoires de pirate, et alors, je sus que la boîte contenait des bijoux pillés sur la mer. Par qui, je n'avais pas le moindre idée, mais déjà, je rigolais à imaginer que c'était Maman.

Lors de mon adolescence, et vivant les délices et les chagrins d’un premier amour impossible, je me disais que la boîte contenait un témoignage torride de ma mère et son premier amoureux, un grand étranger anglais et moustachu qui ne devint pas mon père.

Quand je quittai la maison pour aller vivre et travailler ailleurs, je me disais que la boîte était remplie d’argent que mes parents m’offriraient afin que je voyage comme je voulais, et que je vive correctement sans me souiller les mains d’un labeur honteux et indigne de ma glorieuse personne.

Juste avant mon mariage, je souhaitais brièvement que la boîte contienne la robe de mariage de ma mère, et qu’elle la sorte encore toute blanche de sa prison pour me l’offrir. Enfant, j'avais pensé que cette robe que je ne connus que sur une vieille photo était la plus belle robe du monde, portée par la plus belle femme du monde.

Hélas, en vieillissant, j’oubliai la boîte et je n'avais plus le temps d'imaginer quoi que ce soit.

Alors, l’année dernière, Maman mourut, et c’était à moi de vider sa maison.

C'est le genre d'obligation que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi, mais face à la corvée, je me souvins de la boîte d'étain, et  je me promis de la garder pour la dernière chose. La découverte après toutes ces années de son contenu servirait de récompense pour ma douleur, la fin merveilleuse d'un mystère qui avait duré plus de quarante ans.

Enfin, le moment venu, j’ouvris la porte de l’armoire.

5 commentaires:

  1. et alors ??... et alors ???....
    fany

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  2. Le reste, c'est dans ta tête, comme celle de la narratrice. ;-)

    Tu écris ? Ne voudrais-tu pas te lancer ici ? Hmm ?

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  3. vegas sur sarthe19 juillet 2011 à 18:44

    Beau récit! Qui n'a pas eu enfant, l'envie d'ouvrir la boîte mystérieuse, celle qui permet toutes les rêveries et fait trembler de peur ou de désir?

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  4. Comme fany... et alors, la suite... Devrons-nous aussi attendre 40 ans pour connaître le mystère ? ;-D

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  5. Je pense qu'écrire une fin à l'histoire, Anne-Ma, serait trop gâcher le mystère et que l'histoire est vraiment pour raconter ce rôle. Merci pour ton com' !

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