J’ai atterri chez tante Angie. Là, il y a eu une période d’accalmie. Je bossais le soir, j’ai reçu une bourse, et j’ai même pu aller faire un stage à Philadelphie dans un chouette centre de recherche en maths avec des algorithmes super sympa qui ne pétaient aucun câble et se rangeaient sagement dans des théorèmes tous proprets. Les équations bourrées d’inconnues se résolvaient toujours, comme dans un conte de fées. Je soupirais d’aise en me disant que j’avais bien fait de choisir les maths pures plutôt que la philo. Quitte à me torturer le cerveau autant que je ne me retrouve pas face à moi dans une glace avec des questions du type : qui suis-je ? Connais-toi toi-même. Les limites de la notion d’infini… L’été et septembre sont passés, tranquilles. J’avais plus qu’une semaine à tirer. Après, retour à la maison de Tatie et dans un mois l’université avec une piaule, de la bouffe servie à l’heure et des soirs de tranquillité à me plonger dans de savoureuses dérivées partielles et des théorèmes à gogo. Mais là, patatras, Tante Angie s’est coincé un truc dans une artère, hospitalisation, etc. J’ai réussi in extrémis à faire valider mon stage, j’en tremblais encore en prenant l’avion. Je répétais des formules trigonométriques pour me calmer. Rien, rien ne m’empêcherait dans quatre semaines de décoller de ma ville de ploucs avec la beauté d’une exponentielle.
Ouais, mais à l’arrivée, après avoir attendu trois heures, la rousse aneuronale et hypersexuée de Delta Travell m’annonça qu’il y avait eu un pataquès avec les bagages. J’ai rempli un formulaire qui excluait toute autre écriture que les pattes de mouche. Deux jours plus tard au lieu de ma Samsonite acheté exprès pour mon arrivée au campus, un schnock a déposé une valise avec une ficelle pour poignet. Dedans, des fringues de ploucs, des journaux de ploucs, une trousse de toilette et une photo de deux ploucs. Je suis retournée voir la rousse qui, en plus d’être idiote, brune à l’origine et mal colorée, chouinait tous les concepts d’une enfance noyée dans l’amour de son prochain. Au moment où elle m’a sermonnée avec « Vous savez bien qu’il faut tendre la joue quand on vous frappe », j’ai respiré deux fois pour ne pas lui flanquer sur sa face spongieuse de fond de teint une des baffes que mon paternel distribuait gracieusement. J’ai sifflé tout bas ce que je répondais à tante Angie quand elle me voyait m’étouffer de colère contre cette vie pourrie que je traînais et m’exhortait à donner toujours plus : Le difficile, ce n'est pas de donner, c'est de ne pas tout donner. Surtout quand on a rien.
J’ai jeté la photo débile des deux gars aux stetsons et j’ai repris mon bus. J’ai chialé la première partie du voyage en repensant à la poupée que j’avais ramenée pour la collection de ma tante. Elle aurait été si fière. J’y avais mis toutes mes économies et, maintenant, à coup sûr, elle se retrouvait dans les pattes graisseuses d’un ou deux losers avec chapeau de cowboys et QI d’huître intégrés.
La deuxième partie du voyage, j’ai pleuré parce que l’hôpital m’a appelée pour me dire que c’était fini, fallait penser à s’occuper de l’enterrement. Sur son dossier, dans la case famille, Tante Angie avait mis un seul nom accompagné d’un numéro de portable : le mien. Quand je vous dis que c’est pas un scoop, la poisse… Avec moi, c’est comme deux et deux font quatre.
Il reste un kilomètre jusqu’à l’hosto et je dessine des matrices dans la poussière collée à la vitre. Bien sûr, bientôt, je vais partir de cette ville de ploucs. N’empêche, maintenant que Tante Angie n’est plus, là je me sens comme si j’avais paumé mon point d’origine.
Ça fait très Zazie dans le Bled, Caro ! Bravo !
RépondreSupprimerBravo pour cette aventure. En plus, toutes les consignes dans un seul texte, chapeau ! ;-)
RépondreSupprimerTout y est ! Bravo pour cela et pour avoir autant bossé les maths !
RépondreSupprimerP.S. @Joye : Je suis content de n'être pas le seul dans le grand bain et ça n'a pas fait "Plouf" non plus" ! Ne tire pas l'échelle ! ;-)
Ah Joye, j'ai essayé de ne pas montré un antiaméricanisme que je n'ai pas du tout. Je susi assez fada des US pour plein de choses.
RépondreSupprimerAnne-Ma
Merci, il est très chouette ton blog.
Heu Joe tu m'expliqueras pour la piscine. Sinon je n'ai pas bossé mes maths j'adooore les maths, un bout d'acquis chez moi. ;) ça se voit pas !!!
Ps Joyce je mets le lien vers ton petit atelier cette nuit avec mon texte
Je le dirai à Joyce, caro.
RépondreSupprimer;o)
Mouarf ;)
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