L'ASSASSINAT DU VENTRILOQUE PAR LES SOEURS DE MISERICORDE par Joe Krapov

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Il y a deux dames à la terrasse du café.Elles ont l’air de cachottières.
Si on regarde un peu comme elles sont attifées,Comme elles savent rester fières,
On ne devinera jamais laquelle, plus que l’autre cinoque, Rêva d’assassiner l’artiste ventriloque.

La vie est dans les plis. Je ramasse les cartes
Et je fais un vœu pieux pour que vite s'en viennent
Un Lacédemonien tout droit issu de Sparte,
Une valse de Vienne
Forcément un peu lente
Et une immense étoile filante.

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Il y a deux mousmés curieuses chez le Bougnat.Elles ont l’air de sortir d’une soucoupe volante.
Si on regarde un peu leurs lèvres incarnatEt leurs bijoux grenat, insignes d’élégantes,
On ne devinera pas laquelle en a trop ditSur les mœurs dépravées de l’artiste maudit.

La vie est dans le jeu. La vérité culbute
Les mots qui se bousculent au portillon du soir.
Moitié anges, mi-démons, mi bourgeoises, moitié putes !
Qui trouvera la clé du sinistre boudoir
Où, pour un mot de trop qu’avait sorti son ventre,
L’homme gît, l’homme geint comme un ours dans son antre ?



MIC 2012 12 10 vintage+paris+20scérémonie
Il y a deux criminelles attablées au bistrot.
Elles ont l’air d’avoir un peu forcé la dose.
Si on regarde trop sur le plan du métro
La station Châtelet, c’est certain, on s’expose :
On ne devinera pas ce que coûte l’excès
D’écrire au juge afin qu’il engage un procès.
La vie est dans le ventre. Il est temps de me taire
Et d’offrir au papier quelques phrases, sans plus.
Que puis-je dévoiler de mes savants mystères ?
Ce que vous entendiez ? Une voix de surplus,
Un masque vénitien sous une bauta,
Du clinquant surfilé sur un vieux taffetas.


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Il y a deux assassines et le garçon a peur :
Elles s’en vont saisir le siphon sur la table.
Si on regarde un peu comment étaient leurs mœurs
Et leur désir profond de devenir pendables
On ne devinera pas laquelle a fait le coup,
Qui a lié les pieds, qui a tordu le cou.
La vie est dans les mots ? L’homme s’est fait silence.
Nul ne soupçonnera la femme au chapeau cloche.
Du cadavre déjà monte la pestilence.
A l’âge qu’il avait, vraiment, mourir, c’est moche
Et nul n’a recueilli sa dernière parole.
Pour la première fois de sa vie, véridique,
Pour la première fois de sa mort, fait unique,
Le ventriloque n’est pas drôle.

Mais la voix de Cohen est toujours aussi grave

Qui semble venir d’outre-tombe.
Quelquefois aussi ça me gave
D’être celui qui fait la bombe.

 



N.B. Sur les trois collages de Jean-Emile Rabatjoie, on aura reconnu les soeurs Papin, Sandrine Bonnaire et Isabelle Huppert dans "La Cérémonie" de Claude Chabrol et Judith et sa complice par Cristofano Allori et Artemisia Gentileschi.

3 commentaires:

  1. Quand je passe rue Bruyère au Mans où vécurent les soeurs Papin je frissonne toujours un peu.
    Décidément j'aime pas les villes et leurs courants d'air !

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  2. Il y a l'imagination de Joe Krapov et sa jumelle, car c'est trop difficile à croire qu'il n'en a qu'une seule ! Bravo, Sir.

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  3. Belle richesse d'expression !
    Bravo, Joe, pour ce texte qui ne fait pas vœu de pauvreté.

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