RUINES par joye

Je ne vais plus pouvoir faire mon marché avec Mimi. C’est trop dangereux.

Mimi n’est pas comme moi. On a le même âge, oui, mais elle, elle ne le fait pas. Elle s’habille jeune, elle marche encore sans canne, elle a l’œil vif et un esprit de fraîcheur. Ses cheveux courts et blancs et bouclés lui donnent l’air d’un chérubin. Elle sourit à tout le monde, elle rit, elle parle aux inconnus dans la rue. Elle est incorrigible. Mimi, c’est un cas.

Toutefois,  et jusqu’à hier, je l’enviais pas, mais maintenant, je crains qu’on ne soit plus amies.

Parce que, hier, nous étions au marché du village. Comme d’habitude,  je cherchais mon poisson, mes légumes, des coings, et Fifi, comme d’habitude, achetait des fleurs, du vin, et une jupe au tissu léger qui allait, comme d’habitude, lui flatter les jambes. On ne se refait pas.

Mes emplettes terminées, je retrouvai Margot et Huguette, assises sur un banc vers l’entrée, discutant leurs trouvailles, et m’assis avec elles pour jaser un peu avant que Mimi ne décide enfin qu’il était temps de rentrer.

J’aime Margot et Huguette. Elles sont calmes et discrètes, comme moi. Je ne suis jamais obligée de redoubler mes gouttes après les avoir rencontrées.

Pendant que j’étais en train d’expliquer le prix inabordable de cabillaud, Margot me prit le bras. J’arrêtai, bien sûr, parce que Margot a le cœur faible et l’on ne sait jamais si c’est encore un infarctus. Elle regardait droit devant elle et murmurait quelque choses que je ne pus entendre.

Je levai les yeux et je vis venir Mimi, accompagnée d’un jeune homme qui portait ses fleurs, son vin et qui semblait admirer vivement sa compagne.

- Ah, vous voilà, les filles ! Tiens, je voudrais vous présenter Armand.

Armand nous fit une petite révérence. Je vis qu’il était beau, souriant, et bien plus jeune que Mimi. Ses yeux noirs scintillaient, tout comme ceux de Mimi.

- Enchanté, mesdames !  Et très heureux de voir que tant de fleurs poussent encore parmi les ruines…

C’était plus fort que moi. D’un coup, quelque démon de mon for intérieur me poussa à me lever, et à  frapper Armand brutalement en pleine figure avec le cabillaud que je tenais encore entre les mains.

Je ne me souviens vraiment pas du reste, mais je suis plutôt sûre que je ne vais plus pouvoir faire mon marché avec Mimi.

3 commentaires:

  1. Et paf ! Ouin, ça fait mal un coup de cabillaud !

    Un texte bien sympathique et amusant. Bravo.

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  2. Goscinnyen ! Ben quoi, il est pas frais, mon poisson ? http://petet.midiblogs.com/images/medium_ordralfabetix.jpg

    Bravo et merci de ce texte Joyeux !

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  3. @ Anne-Ma : Hihihi, tu me fais rire avec ta première phrase ! Merci, j'avais voulu faire rire !

    @ Joe : Difficile d'égaler le fou-rire krapovien, oeuf corse, mais j'ai fait de mon mieux. Heureuse que tu sois de retour, même si c'est juste pour quelques minutes. :-)

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