L'ÉTRANGER par Vegas sur Sarthe

Au sortir de l'hiver il était arrivé sans que personne n'eut deviné de quel versant il venait. Les dernières plaques de glace finissant de fondre sur l'herbe encore verte et le pâle soleil d'Avril avaient vite convaincu Suzon de troquer les sabots et la disgracieuse cote de velours contre un jupon léger et de mignons escarpins.

Il aurait pu ne vouloir traverser le village que pour rejoindre le grand bourg où l'on trouvait facilement du travail mais au lieu de ça, il prit une chambre au seul hôtel qui jouxtait précisément la maison de Suzon.
Elle n'avait jamais paru si belle comme si l'arrivée du printemps enjolivait tout ce qu'elle touchait et dans son sillage les regards masculins s'allumaient aussi fort que les féminins noircissaient.
Bien qu'il tint l'hôtel depuis des lustres Grégoire n'était pas une lumière, il n'était pas curieux non plus et l'appelait simplement l'Etranger quand on le questionnait sur son seul hôte.

Quand le temps des moissons fut venu, le village se trouva si occupé aux champs que personne n'eut l'occasion de le voir partir.
Personne ne sut jamais non plus ce qu'était devenue Suzon?
Sauf Grégoire...  ce sont toujours les indifférents qui sont les mieux renseignés.