SA VOIX par Santoline

Elle aurait bien voulu qu'il soit tout un poème.
Il était grand, n'était pas beau, sentait l'odeur du linge qu'il avait oublié deux jours dans le tambour de la machine à laver, avait des mains rugueuses malgré l'imprégnation de la graisse des machines outils qu'il réparait dans l'atelier.
Son regard absorbé sous les capots, il devinait sa présence inopportune derrière lui et le lui signifiait par des gestes agacés.
Ce n'était pas le moment. Ce n'était jamais le moment.
Elle attendait un mot, un son, un petit bout de voix, celle qui l'avait séduite avant même qu'elle ne l'ait aperçu la première fois. Cette voix qui vibrait gravement dans sa gorge, résonnant le long de sa cloison nasale avant de s'échapper pour disperser son charme.
Elle attendait un peu, racontait, questionnait, espérait... s'en allait.
La voix restait muette.
Elle se souvenait alors de la vieille Catalina qui, en parlant des hommes lui avait dit un jour :
" tu sais petite, dans chaque lit, il y a des poux"...
Alors à la tombée de nuit, pour conjurer le sort, elle éclairait  les vitraux de l'applique murale au dessus de la porte d'entrée, espérant qu'il s'arrête …ce serait le moment ... et qu'enfin il lui parle pour qu'elle vive un peu.

6 commentaires:

  1. vegas sur sarthe23 avril 2012 à 17:26

    J'aime beaucoup les mots et l'atmosphère de cette scène où la voix tant espérée manque au plus haut point...
    Et bravo pour avoir joué des trois consignes!

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  2. Peu disert le garagiste ! ;-)
    Une autre version de "je garderai une lumière allumée". J'espère qu'il lèvera les yeux de sous ses capots et qu'il la verra !
    Bel exercice, Santoline !

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  3. J'aime beaucoup ta façon de raconter, Santoline. J'espère qu'elle entendra encore le son de sa voix. Bravo.

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  4. Ce texte est l'examination chirurgicale d'un nerf mis au vif, mais subtil, habile, discret.

    Autrement dit, c'est très fort, le genre de scénario qu'on n'oubliera pas très facilement. Et puis d'ailleurs, qui voudrait l'oublier ? C'est excellent.

    Bravo santoline !

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  5. merci à vous quatre, la "petite" sera touchée de votre soutien quand je lui en ferai part.
    :)

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  6. Beau texte intemporel !

    Le plombier polonais est peut-être plus sympathique ? J'entends encore sa voix rouleuse de "r" qui me chantait :
    "Je t'attendrai à la porte du garage".

    Entre celui-là qui ne peut plus chez Végas et celui-ci qui ne veut plus, on aurait envie de chanter aussi "Où sont les hommes ?" ;-)

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