MON BUDDHA À MOI par Santoline

Vingt cinq ans que je l'aperçois au fond du placard, à raison d'un dépoussiérage tous les cinq ans, c'est dire du peu, le petit homme jaune ventripotent, tout droit venu de King Dao.
Il aurait  pu donner un coup de cymbales de temps en temps, celles que j'avais recollées plusieurs fois au temps où mes loulous renversaient tout sur leur passage, pour se rappeler au bon souvenir du patron qui l'avait expatrié incognito dans sa valise, sans papiers.
Mais non, rien du tout. 
L'autre jour, j'étais énervée et j'ai dû fermer les portes de placards un peu fort en rangeant mon bazar. Lorsque je suis arrivée au sien, placard. J'ai à peine eu le temps d'ouvrir un battant que j'ai entendu une voix monocorde m'asséner:                                              "Jamais la haine ne cesse par la haine". 
J'ai dû faire une drôle de tête ... je ne savais pas que ça pouvait ventriloquer un Bouddha et comme j'avais l'air incrédule, il a répété sa phrase sur un ton de reproche.
.... !!!!....Oh hé oh !?... où il a vu celui là que j'avais la haine ?... c'est pas parce que je suis un peu vigourette quand je fais le ménage que j'ai la haine. La haine, connais pas. La rage oui, la peine souvent, la rancune un temps, mais jamais assez longtemps pour laisser place à la haine. Non. J'évacue et je pardonne... on ne se refait pas.
J'ai aussitôt pensé qu'avec la chance que j'ai, ce Bouddha  fictif devait en fait être Siddhārtha Gautama en personne et qu'au lieu d'atteindre le Nirvana, il était en cale sèche avec ses cymbales depuis toutes ces années dans mon placard à poussière... la haine c'était peut être bien lui qui l'avait.
N'ignorant pas cependant qu'il se devait d'être un sage, j'ai  pensé qu'il avait certainement transcendé la dualité samsara au point qu'il ne toucherait pas à un seul cheveu, même ébouriffé, de ma personne.
Alors je l'ai pris (et j'ai vu qu'il était passablement cracra), je lui ai souri et l'ai conduit délicatement à la salle de bains où parmi mes décoctions de Matricaria recutita ou Chamomilla recutita, Camomille pour les intimes, désinfectante et cicatrisante pour cymbales décollées, ma lotion de Lavandula angustifolia apaisante pour les nerfs et mes onguents au citrus Aurentium recommandés pour la lutte contre l'obésité, je lui ai prodigué quelques massages tout en douceur, néanmoins appuyés sur quelques chakras révélateurs.
Le bedon détendu, il a peu à peu lâché prise, a souri, puis s'est mis à rire et m'a décoché pour la première fois un retentissant coup de cymbales, comme un véritable Buddha (littéralement : "qui s'est éveillé")  qu'il était redevenu.

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                                                 Black club (cards)

4 commentaires:

  1. Il est terrible, ton Bouddha aux cymbales, et ton texte est à mourir de rire ! B-r-a-v-o ! Tu es vraiment l'une avec l'atout ! :-D

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  2. Un Bouddha attendrissant et tout en rondeurs !

    Il nous montre que la maîtresse de maison, avec son tablier et son plumeau, peut aussi avoir beaucoup de cœur. ;-)

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  3. Il y en a qui peignent la girafe, d'autres qui dépoussièrent le Bouddha... de quoi se détendre le bidon! Comme quoi la haine peut avoir du bon :)

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  4. J'espère qu'il n'est pas resté de bois devant tant de sollicitude ! ;-)

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