Ils essayaient de ne pas trop y penser mais cela les attristait tous les deux, c’était leur dernier jour de vacances scolaires.
Dorénavant, ils ne pourront plus se voir après l’école comme ils le faisaient régulièrement. Demain, ils seront séparés.
Pour la première fois, elle rentrerait au collège, à Notre-Dame de Lourdes, dans le canton voisin. Lui, débuterait sa première année de pensionnat, dans la plus grande ville du département, chez les Frères des Écoles Chrétiennes. On ne leur a pas demandé leur avis, sa mère à elle et ses parents à lui en avaient décidé ainsi !
Comme d’habitude, avec l’autorisation de sa mère, elle était venue le rejoindre chez lui et ils avaient passé l’après midi dans le jardin familial. Assis sur le petit banc de pierre, ils avaient encore et encore effeuillé la marguerite, se promettant amour et fidélité, comme pour conjurer le sort.
Alors qu’elle allait maintenant devoir rentrer car sa mère l’attend, lui se dit que le moment est venu... Depuis le temps qu’il se l’était promis, il se décide enfin !
De la poche de sa culotte courte, il sort son canif tout neuf. Son magnifique canif rouge que son père lui a offert pour son certificat d’études primaires. Les yeux émerveillés, elle se rapproche encore de lui. Le contact de son corps à travers sa petite robe légère lui procure une très agréable sensation. Tête contre tête, les cheveux emmêlés, il se retrousse la manche de la chemisette et se dégage l’épaule. Elle semble fascinée par cette petite lame d’acier qui scintille sous le soleil légèrement voilé. Serrant ses mains graciles sur ses avant-bras, elle l’accompagne dans ses gestes. Lentement et délicatement Il se pose la pointe de la lame sur le haut de son bras et commence à appuyer. Même pas peur ! Il a toujours été très sensible mais il n’a jamais été douillet. Il ressent même une grande fierté et exulte.
Son cœur cogne dans sa poitrine, il va enfin pouvoir lui montrer la sincérité de son amour…
La pression se fait plus forte, une toute petite goutte de sang commence à perler, il ressent la contraction de ses petites mains qui se crispent sur ses bras, elle tressaille, mais ne quitte pas le couteau yeux.
En pleine félicité, il déplace la lame lentement. Coupante comme un rasoir, elle trace sa route dans un léger filet de sang qui laisse échapper quelques gouttes. Elles tachent le banc de pierre et tombent à leurs pieds, sur le sol jonché de pétales.
Méthodiquement, calmement, il trace des traits, verticaux, horizontaux… Au fur et à mesure qu’elle voit les lettres apparaître, sa chaude respiration ralentit. Elle est comme magnétisée.
Ses notes de rédaction à l’école l’attestaient, il n’était pas doué pour l’écriture. Pas doué, certes, mais pas peu fier de sa première déclaration.
Déclaration en forme de prénom, écrite en lettres de sang… pour sa Lulu.
Pour sa Lulu qu’il n’a ensuite jamais revue.
Ouilleyouilleyouille, dis-nous qu'il est devenu chirurgien !
RépondreSupprimer;-)
Okay, fin de plaisanterie. C'est un joli conte d'une autre ère, superbement raconté ! Bravo toi !
Les vocations naissent paraît-il dans l'enfance, et il avait, à l'évidence, de sérieuses dispositions.
SupprimerPas de bol ! Scalpels et bistouris sont restés au placard ;-)
Merci du compliment, joye !
Oh, il est bien courageux tout de même. Une triste mais belle histoire. Bravo Sklabez.
RépondreSupprimerC'est vrai que l'histoire est belle ! Il aurait bien évidemment souhaité qu'elle dure. Hélas ! Les voies de Dieu sont impénétrables... et ce n'étaient que des enfants ;-)
SupprimerLes futurs collégiens sont bien jeunes pour parler d'amour, alors ils jouent aux "grands"! Joli récit
RépondreSupprimerAu début, ils font comme les grands. Après, c'est leur cœur qui prend les commandes et... ça plane !
SupprimerHeureusement, elle ne se prénommait pas Marie-Solange-Elisabeth ! OK, je sors.
RépondreSupprimerTu racontes hachement bien les histoires vraies, ami SklabeZ !
Heureusement, sinon ça m'aurait coûté un bras !
SupprimerJe raconte mon histoire comme je taille une bavette ;-)