DOIGTÉ par joye

Il était une fois une simple fourchette qui travaillait dans une maison de banlieue. Elle faisait tranquillement son boulot, attendant dans un tiroir avec les autres fourchettes, des couteaux et des cuillères. Elle y était bien, mais il faut dire que les cuillères étaient plus qu'un peu orgueilleuses, elles se moquaient pas mal des fourchettes.

- Vous, vous êtes bien inutiles pour la soupe, les céréales, les yaourts ! s'écriaient-elles, méchamment, à chaque fois que le tiroir s'ouvrit et une d'elles repartit.

Toutefois, les cuillères ne se moquaient jamais des couteaux, peut-être parce qu'ils étaient trop rigides, et masculins.

Notre héroïne, la fourchette, ne savait pas quoi penser. Cela l'embêtait pas mal qu'on se moque d'elle.

Un jour, voyant son agitation, une vieille fourchette lui murmura :

- T'en fais pas, ma belle, ne les écoute pas, ces cuillères. Elles sont vulgaires. Nous, on a toute la dignité du monde dans nos têtes pointues. N'importe quel idiot du monde peut se servir d'une cuillère. Mais pour manier une fourchette, il faut du doigté. Tu verras !

Alors, la petite fourchette resta calme et attenda son moment, qui finit par venir plus vite qu'elle ne pensa.

Pendant qu'ils dormaient tous, quelqu'un ouvrit le tiroir et retira une cuillère qui n'oubliait pas de leur tirer la langue triomphalement en partant.

Deux secondes plus tard, même chose : le tiroir s'ouvrit et une autre cuillère repartit.

La fourchette, alerte, écouta dans le noir. Elle entendit un petit clingue !

Deux seconds plus tard, le tiroir se rouvrit et trois autres cuillères furent prises dans une main qui oublia, elle, de refermer le tiroir.

Clingue ! Clingue ! Silence. Puis...  Clingue !

Cette fois-ci, la fourchette put voir la scène devant elle.

C'était un jeune papa qui essayait, sans trop de succès, de nourrir son enfant.

Enfin, la fourchette pensa que c'était un enfant, mais tellement recouvert de purée qu'elle n'était pas absolument sûre. Elle regarda par terre.

Là se retrouvaient toutes les cuillères, l'une après l'autre jetée par terre, nageant dans la purée.

La fourchette eut un moment de pitié pour elles.  Après tout, c'était une fourchette sensible et bien élevée.

Et puis elle pensa qu'elle allait bien se rappeler cet épisode la prochaine fois que les cuillères se mettraient à se moquer d'elle...

La fourchette sourit et s'endormit, en attendait le retour des cuillères au tiroir.

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