CAILLOU par joye

Depuis le temps que mon frère avait visé cette lampe avec des cailloux, il n’était pas encore arrivé à la briser. Quand je lui proposai qu’il y lance une brique, il me fila une de ses gifles brevetées, et j’avais l’oreille qui bourdonna pendant trois jours. A partir de ce moment-là, je me contentais de le regarder sans rien dire. Patiemment.

C’est ainsi que je passai mon enfance, à regarder en silence mon frère tenter l’impossible. Oui, c’était défendu, oui, on allait payer cher un crime éventuel, mais le défi était plus fort que nous. C’était son voyage dans la lune, son escalade d’Everest. Un moyen de passer les soirées où ni papa ni maman ne rentraient de leur boulot.

Un jour, c’était mon frère qui ne rentra pas. Je me dis que cela voulait dire qu’il était grand, comme papa et maman, qu’il ne reviendrait plus de son boulot le soir. Que je pouvais enfin donner de mes conseils dans la rue pour casser les lampes et éteindre la lumière dont profitait tout un chacun sans la mériter.

Quand je sus enfin ce qui lui était arrivé, je quittai la maison en hurlant. 

J’allai sous ce putain de lampadaire, et je le cassai avec mon premier caillou.

15 commentaires:

  1. Oh là là ! Un frère qui gifle et explose les oreilles, ça me rappelle quelque chose !
    Bienvenue au club !

    La ressemblance s'arrête-là.
    À la différence du mien, ton narrateur aimait profondément le sien.
    D'où cette douleur, cette immense douleur !

    La douleur justifiant les moyens, ce n'est pas moi qui lui jettera le premier caillou.

    Très joli texte et belle leçon de vie.
    Merci Joye !

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    1. J'écris assez souvent à propos des enfants. La grande plupart de ce qui se trouve dedans est de la fiction.

      Pour la protagoniste, une baffe de son frère, c'est un fait divers de son enfance, et telle l'absence de ses parents, elle n'en fait pas un drame. Elle se contente de faire ce que son frère n'a pas pu (patience et longueur de temps).

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    2. Tu écris assez souvent à propos des enfants et tu le fais très bien.
      En butinant par ci, par là au fil de tes blogs, j'ai eu l'occasion de lire quelques uns de ces textes, ils sont tous emprunts de grande sensibilité et d'émotion.

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  2. Maintenant que j'y pense, c'est intéressant que tu y voies de la douleur pour son frère. Si elle hurlait de joie, libérée des contraintes imposées par son frère, libre enfin d'aller réussir où il n'a pas pu ?

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  3. Intéressant en effet !
    À ma première lecture, j'y ai vu de la douleur et je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être que c'est "ce putain de lampadaire" qui m'y a fait penser.

    Après tes commentaires et en relisant maintenant, c'est vrai qu'on peut aussi y voir de la joie.

    Magnifique texte en tout cas ... et à double interprétation.

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    1. J'adore quand on peut comprendre un texte sur plus d'un niveau. Merci pour le compliment !

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  4. Il est des fins brutales..vers un nouveau commencement..
    Au fil des mots..c'est en enchantement. Merci

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    1. Mon enchantement est dans la beauté de tes réponses, Lise. Merci à toi. ♥

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  5. vegas sur sarthe26 janvier 2012 à 18:54

    C'est avec de petits cailloux qu'on fait de grandes histoires où s'exprime la nature humaine... et Pan!

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  6. Moi aussi j'ai cru à un drame... elle vengeait son frère (de quoi exactement ???) en cassant la lampe.
    Sentiments mêlés dans la fratrie...tu as très bien su les décrire et je les ai bien reconnus.:)
    Bravo Joye.

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  7. @ vegas et santoline : Merci beaucoup pour vos mots sympas et encourageants.

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  8. Le côté obscur de ta force fout des frissons dans le dos même aux rigolos.
    Chapeau !

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  9. J'ai vu, moi aussi, de la douleur dans son hurlement. Peut-être un texte à double lecture, un beau texte en tout cas.

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  10. En gros le frère, c'est la grenouille qui voulait se faire aussi grosse qu'un bœuf. J'aime beaucoup ton texte.

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