Guerres par Pivoine

A la bataille de Fontenoy
Il y eut des veuves, des infirmes et des voleurs, sans doute
Pendant la guerre de sept ans, il y eut des veuves, des enfants perdus,
des fenêtres qui volaient en éclats
Des chevaux massacrés
Et des villages pillés
Et parfois, au bout, il y avait la liberté.

Pendant les guerres napoléoniennes, il y eut beaucoup de veuves
La pension des veuves et encore
Des infirmes
Et puis cette fois le vol sous la forme des impôts écrasant la France
Et il y eut la guerre d'Espagne, la Retraite de Russie
L'incendie de Moscou, Pierre Bézoukhov
Des veuves, des infirmes et le père de Sophie Rostopchine

Avant Waterloo, juste avant,
Il y eut un bal, à Bruxelles, un bal en 1815...

Durant la guerre de Sécession, fratricide,
Il y eut des veuves - la plus célèbre ne sera-t-elle pas Scarlett Hamilton-Kennedy ?
Des infirmes - des deux côtés
Des maisons sauvées, Tara, Bagatelle
Et des esclaves libres et des carpetbaggers
Après la guerre de 1870
Il y eut des veuves, des blessés
Des héros qui n'en finissaient pas de mourir, d'un coup de baïonnette au sommet du poumon
La chute du Second Empire
Et la Commune de Paris

Durant la guerre des Boers
Et les batailles contre les Zulus
Il y eut des infirmes - des atrocités
Des actes d'héroïsme
Des terres brûlées
Des massacres impitoyables et des poignées d'hommes qui résistaient

Durant la guerre de 1914
Aux Eparges, au Chemin des Dames
A Verdun, sous Douaumont, mètre par mètre,
En avant, en arrière ou parfois même sans bouger
En Afrique, sur terre et sur mer,
Il y eut des veuves, des infirmes
Des hommes gazés
Des gueules cassées
Des fiancées veuves
Des mères célibataires
La dernière guillotine, en Belgique,
Et le premier creux dans la pyramide des âges

Et puis, il y eut la Société des Nations

Mais durant la guerre 40-45,
Il y eut encore des veuves, des orphelins, des infirmes, des gazés, des déportés, des brûlés vifs, des pendus, des villes saccagées, des continents dévastés, des mers d'azur embrasées, des sous-marins coulés, des marches à la mort, des voleurs, des profiteurs, des collaborateurs, des résistants, des triangles noirs et des triangles roses mais aussi la Poésie de la Résistance
Et l'entraide entre les peuples

Durant la guerre d'Indochine
Il y eut mon père
Il ne mourut pas, il rentra en France, se démobilisa, devint belge, se maria et eut deux enfants, quatre petits-enfants
et un arrière-petit-fils.
Puis, durant la guerre du Vietnam
Il y eut des veuves, des infirmes, "Coming home", un de mes films-cultes
Et une mémoire qui nous hanta longtemps.

Durant les guerres israélo-palestiniennes
Il y eut des veuves, des enfants morts, des femmes, des hommes, tous et toutes
Et des avions qui disparaissaient – piratés.
Durant les innombrables guerres larvées, éclairs,
Iran, Irak, Afghanistan, Rwanda, machettes, Congo, Malouines, Yougoslavie, Albanie, Ukraine et j'en oublie sûrement...

Toutes n'avaient pas le statut de guerres
Mais durant les batailles, toutes les batailles,
On n'arriva plus à compter les veuves, les infirmes, les profiteurs
Et aussi et aussi
Les poètes
Les peintres les écrivains
Des inconnus, en prière, en pensée

En un mot, tous ceux qui croyaient dans la paix
Et l'offraient aux vivants.

5 commentaires:

  1. Bonjour Pivoine, que dire de plus... Une guerre, ne fut-ce qu'une, c'est encore une de trop.... Amicalement, jill

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  2. En effet. Et toujours, les hommes continuent. Je me rends compte que j'ai remplacé "pleureuses" par "veuves". Etrange... C'est ce que j'avais retenu, après avoir relu pourtant plusieurs fois la citation. L'illustration, elle, m'a fait penser à la bataille de Fontenoy... Merci de m'avoir donné matière à écrire, cela me manquait !

    (Pivoine Blanche).

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  3. L'histoire du monde en belle poésie,
    Bien triste l'homme qui n'a rien appris.

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  4. J'ai adoré ton texte nul besoin de sang tes mots résonnent (il y eut des veuves, des infirmes et des voleurs des enfants perdus,) et parlent d'eux mêmes
    Bravo Pivoine pour ce texte riche en émotion

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  5. C'est le lot de toutes les guerres : le sang, l'horreur, la violence, la mort... Pourtant, aucune d'elles n'a jamais empêché les humains d'avancer, le monde de tourner et les mentalités d'évoluer... La paix totale, je n'y crois pas, elle n'existera jamais, car l'homme n'est pas suffisamment doué pour la bonté. Il peut s'améliorer mais ne sera jamais parfait, alors que la paix c'est la perfection...qu'on n'atteindra évidemment jamais.

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