Dans le bureau de la juge d'instruction, Paul réitéra ses aveux. Il avait bien tué sa belle-sœur, mais par accident. Il insista sur ce point, rejetant la thèse de l'assassinat soutenue par les policiers.
- Un accident, dites-vous ?
- Oui...
- Racontez-moi, je vous écoute.
- Oui...
- Racontez-moi, je vous écoute.
Paul expliqua qu'il voulait seulement emprunter l'imprimante de la victime. Cette dernière refusa, au motif qu'il ne rendait jamais rien en bon état. Le ton monta. Une altercation s'en suivit. Dans le feu de l'action, il admit avoir porté la main sur elle, mais c'était pour la calmer, car elle était devenue hystérique, s'en défendit-il.
- A un moment donné, elle a perdu l'équilibre. Sa tête a cogné contre le rebord de la table.
- L'ennui, voyez-vous, c'est que le légiste contredit vos déclarations, monsieur Faucher...
- L'ennui, voyez-vous, c'est que le légiste contredit vos déclarations, monsieur Faucher...
L'autopsie révéla en effet des traces de tentatives de strangulations sur le cou de Floriane, dont la mâchoire brisée, l'avant-bras droit fracturé, les côtes cassées, le foie éclaté ainsi que les multiples contusions et hématomes dénombrés sur l'ensemble du corps, ne pouvaient être le résultat d'une simple chute sur le carrelage. D'autant qu'aucune blessure à la tête, pouvant être attribuée à un choc violent contre un quelconque meuble, ne fut mentionné dans le rapport. Il apparut clairement qu'il l'avait battue à mort.
- Aviez-vous l'habitude de lui emprunter des affaires ?
- Oui... Enfin, si on veut.
- Et chaque fois, ces choses étaient détériorées après être passées entre vos mains...
- C'est faux.
- Ce n'est pas ce que prétendent plusieurs témoins, monsieur Faucher, des témoins auprès desquels la victime s'était plainte de vos négligences répétées...
- Ils mentent !
- Un autoradio qui ne lisait plus les CD... Un fer à repasser qui ne produisait plus de chaleur... Un appareil photos numérique dont l'écran était lézardé... Une aile de voiture emboutie... Un ordinateur portable infecté par un virus malveillant... Voulez-vous que je cite toute la liste ?
- C'est vrai, je suis un peu maladroit...
- Ou plutôt que vous ne prenez pas soin de ce qui ne vous appartient pas !
- Oui... Enfin, si on veut.
- Et chaque fois, ces choses étaient détériorées après être passées entre vos mains...
- C'est faux.
- Ce n'est pas ce que prétendent plusieurs témoins, monsieur Faucher, des témoins auprès desquels la victime s'était plainte de vos négligences répétées...
- Ils mentent !
- Un autoradio qui ne lisait plus les CD... Un fer à repasser qui ne produisait plus de chaleur... Un appareil photos numérique dont l'écran était lézardé... Une aile de voiture emboutie... Un ordinateur portable infecté par un virus malveillant... Voulez-vous que je cite toute la liste ?
- C'est vrai, je suis un peu maladroit...
- Ou plutôt que vous ne prenez pas soin de ce qui ne vous appartient pas !
Paul baissa le regard. Son silence sembla parler pour lui. La magistrate, convaincue qu'il cherchait à maquiller la vérité à son avantage, le confronta à d'autres de ses incohérences.
- Vous jurez par tous les dieux que vous n'avez pas prémédité ce meurtre. Je ne demande qu'à vous croire, monsieur Faucher. Pourtant, vous n'auriez pas supporté les menaces que votre belle-sœur vous aurait proférées.
- Non, pas du tout !
- Là aussi, des témoins l'attestent : votre propre frère, votre nièce et le petit ami de celle-ci.
- Non, pas du tout !
- Là aussi, des témoins l'attestent : votre propre frère, votre nièce et le petit ami de celle-ci.
Paul réfuta en bloc les allégations de son interlocutrice, quand il ne joua pas la carte de l'amnésie. Faire mine de ne plus se souvenir fut un bon moyen – crut-il – de ne pas avoir à se justifier.
- Et les tableaux, monsieur Faucher ?
- Je ne vois pas de quoi vous parlez !
- Vous avez subtilisé une imitation de l’œuvre de Manet intitulée Dans la serre à votre oncle Gilbert Leroy, que vous avez revendue pour cinq mille euros à un certain Philippe Belin, un ami à vous. Votre belle-sœur, l'ayant découvert, a menacé de vous dénoncer. On est en droit, par conséquent, de se demander si vous n'avez pas voulu la faire taire...
- C'est n'importe quoi !
- Vous n'en étiez pas à votre coup d'essai, d'ailleurs, puisque ce même oncle avait perdu deux autres toiles auparavant, qui ont été retrouvées chez vous lors de la perquisition. Comme on dit, monsieur Faucher, jamais deux sans trois...
- Je ne vois pas de quoi vous parlez !
- Vous avez subtilisé une imitation de l’œuvre de Manet intitulée Dans la serre à votre oncle Gilbert Leroy, que vous avez revendue pour cinq mille euros à un certain Philippe Belin, un ami à vous. Votre belle-sœur, l'ayant découvert, a menacé de vous dénoncer. On est en droit, par conséquent, de se demander si vous n'avez pas voulu la faire taire...
- C'est n'importe quoi !
- Vous n'en étiez pas à votre coup d'essai, d'ailleurs, puisque ce même oncle avait perdu deux autres toiles auparavant, qui ont été retrouvées chez vous lors de la perquisition. Comme on dit, monsieur Faucher, jamais deux sans trois...
La juge Mortensen eut beau s'appuyer sur des preuves tangibles, concrètes... En vain. Le présumé innocent qu'elle avait face à elle, bien qu'acculé, continua à nier l'évidence, trouvant réponse à tout, mentant avec un aplomb déroutant.
- Mon oncle a quatre-vingt-six ans, il perd la tête. Il a oublié qu'il me les avait offerts, ces tableaux.
- Au fait, pourquoi teniez-vous tant à ce que Floriane Chapuis vous prête son imprimante, alors que vous en possédiez déjà une chez vous ?
- La sienne imprimait mieux les photos.
- Vraiment ! Des photos érotiques, par exemple, téléchargées sur Internet, que vous imprimez régulièrement sur des feuilles A4 et scotchez au plafond de votre chambre à coucher ?
- Quel mal y a-t-il à ça ?
- C'était seulement pour préciser.
- Ça ne regarde que moi !
- Soit ! Alors, en quoi l'imprimante de Floriane Chapuis imprimait-elle mieux les photos ?
- La mienne est une laser. Tous les connaisseurs et les spécialistes vous le diront, les imprimantes à jet d'encre sont plus performantes pour l'impression des images...
- Au fait, pourquoi teniez-vous tant à ce que Floriane Chapuis vous prête son imprimante, alors que vous en possédiez déjà une chez vous ?
- La sienne imprimait mieux les photos.
- Vraiment ! Des photos érotiques, par exemple, téléchargées sur Internet, que vous imprimez régulièrement sur des feuilles A4 et scotchez au plafond de votre chambre à coucher ?
- Quel mal y a-t-il à ça ?
- C'était seulement pour préciser.
- Ça ne regarde que moi !
- Soit ! Alors, en quoi l'imprimante de Floriane Chapuis imprimait-elle mieux les photos ?
- La mienne est une laser. Tous les connaisseurs et les spécialistes vous le diront, les imprimantes à jet d'encre sont plus performantes pour l'impression des images...
Paul fut renvoyé devant la Cour d'assises du Loiret. A l'instar de la juge Mortensen, l'avocat général et les jurés ne crurent pas en sa version des faits. La préméditation fut retenue. Il écopa d'une condamnation à vingt-deux années de prison ferme, assortie d'une période de sûreté de dix-huit ans. Il fit appel du verdict. En seconde instance, la peine fut confirmée.
OUH ! Bravo, incorporation super-subtile des trois éléments...j'aime beaucoup !!!
RépondreSupprimerMerci à toi, et merci à MIC d'exister, ce site aura au moins eu le mérite de me faire écrire des trucs que j'ose faire lire.
Supprimer20 ans derrière les barreaux il aura le temps de réfléchir sur ses deux mains gauches.... bravo Nhand !
RépondreSupprimerChaque peine mérite son salaire, et chaque crime mérite sa peine ! Quand on a massacré une jeune femme de la sorte, 20 ou 22 ans, c'est un minimum !
SupprimerMerci Jill
Une enquête rondement menée j'ai bien aimé ton texte Nhand
RépondreSupprimerEt un et deux et jamais deux sans troisième... éléments
Super bien trouvé Bravo
Je suis content que ce texte ait pu trouver (un peu) grâce à tes yeux de lectrice attentive, Bongo ! Merci à toi.
SupprimerÉpatant bien emballé, original,quelle bonne idée de l'avoir transcrite!
RépondreSupprimerCertain que cela change de ce que suggère le tableau,où on en voit deux qui sont --peut être- condamnés à vivre ensemble! :) :) :)
Le tableau, JAK, suggère peut-être quelque chose de plus évident, mais l'essentiel est qu'il ait pu nous parler, à chacun, d'une manière ou d'une autre. C'est ce que j'aime avec les défis, à partir d'une même consigne, nous partons dans toutes les directions, c'est génial, non ?!
SupprimerMerci de ta lecture et pour tes encouragements.
Défi, tableau...Comme tu le dis dans ta réponse à Jak, il est vraiment intéressant de voir vers où nous emmènent les mêmes images, les mêmes défis, selon notre personnalité. Comme toi, j'apprécie cet état de chose.
RépondreSupprimerBravo pour ton interprétation du MIC de cette semaine. Très originale!
Merci Ep'.
SupprimerTu vois, JAK disait que le tableau suggérait quelque chose de plus évident, et pourtant, tu n'y as pas lu la même évidence qu'elle. Oui, c'est définitivement toutes ces approches personnelles face à une même œuvre, une même consigne, que je trouve très intéressantes.
Je ne savais pas que tu étais chargé de la chronique judiserre sur Un mot, une image, une citation ! Tu t'en sors bien, dis donc ! Mieux que Paul ! ;-)
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