Dans la serre, elle s'est assise, effondrée par la nouvelle qu'elle vient d'apprendre. Hébétée, atterrée, le regard absent, l'esprit anéanti, elle a trouvé refuge là, au milieu des plantes de ce jardin d'hiver dans lequel elle vient se promener chaque jour seule ou en compagnie de son amie Suzanne. D'un geste coutumier, en un élégant jet d'étoffe moirée, elle a soigneusement étalé les plis de sa queue d'écrevisse sur le banc de bois puis, pour s'aérer un peu, elle a délicatement retiré son gant de peau. Pour mieux respirer, pas question de dénouer le moindre flot, de déboutonner sa robe, de retirer son petit chapeau garni de plumes et de taffetas ni de desserrer sa ceinture. Seule, sa main nue est libre de mouvement. Seule, sa main nue est accessible aux sentiments.
Sans bruit, doucement, il est arrivé derrière le banc. Il était sûr de la trouver là! Elle a su qu'il arrivait à l'odeur de son cigare... Il s'approche, sans un mot. Dieu qu'elle est belle, si digne, si sobre, si altière dans sa douleur! Elle ne détourne pas son regard vers lui. Inutile. Sans la quitter des yeux, il pose sa main tout près de la sienne, sur le dossier mouluré du banc bleuté. Elle sent la chaleur du cigare tout proche.
Dans quelques instants, il jettera son cigare, prendra la main délicate dans la sienne, la portera à ses lèvres.
Et elle dira, dans un sanglot libérateur : "Jamais deux sans trois!"
Tu me rappelles Dumas (Les chaînes du mariage sont si lourdes qu'il faut
RépondreSupprimerêtre deux pour les porter. Quelquefois trois.) et Margaret Mitchell (Scarlett sait que Rhett est dans la pièce parce qu'elle sent son cigare).
Rien que ça! Ben merci tout plein, Joye...
SupprimerÉmouvant ton texte ! une belle description également ! Bravo Epamine !
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup et depuis longtemps ce tableau: il était donc plaisant pour moi de le raconter. Il m'arrive souvent d'imaginer des histoires avec les élèves à partir de toiles de maîtres.
SupprimerCette fois, c'est moi qui ai inventé...
Tant mieux si cela t'a plu! Merci !
Ça c'est sure : une merveilleuse approche pour tes petits c'est important qu'ils s’imprègnent très tôt de la beauté de ces œuvres
SupprimerChapeau Epamine
Merci bongopinot
SupprimerAtmosphère, atmosphère.... ;-) merci Ep'
RépondreSupprimerAtmo-serre, atmo-serre!
SupprimerDe rien ;)
La touche impressionniste de cette belle élégante a si bien été observée
RépondreSupprimer&
Ton œil de lynx a si bien distingué le geste coquet pour sa robe en queue d’écrevisses …..
J♥k
Ton commentaire aussi est digne du mouvement impressionniste. Merci beaucoup pour tes mots jolis et gentils...
SupprimerBises d'Epémue
L'atmosphère de l'œuvre est ici minutieusement rendue ! On a envie de la consoler, tant tu as su restituer son chagrin. Mais il subsiste une part de mystère, quant à la nature de la mauvaise nouvelle, et c'est ce qui - paradoxalement - offre un petit plus à ton récit (chacun se racontera son histoire à partir de la tienne).
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup beaucoup la qualité de tous tes commentaire Nhand, toujours argumentés, emplis de remarques ô combien pertinentes et nuancées... Celui-ci est d'autant plus plaisant à lire que tu dis exactement ce que j'ai voulu glisser dans mon texte et je t'en remercie infiniment...
SupprimerSourire d'Ep'
Joli texte ouvert...
RépondreSupprimerMais attention, comme a dit Freud, quelquefois un cigare est juste un cigare ! ;-)
OK, je sors !
Sauf si le fumeur s'appelle Magritte...
SupprimerReviens!
;)
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